ALADDIN, à l’origine était le mail

De même qu’il est nécessaire à chacun de posséder une adresse postale pour recevoir des nouvelles d’un frère parti en voyage, un chèque de salaire de la saison écoulée, les programmes électoraux des candidats ou encore, les factures de gaz, il est nécessaire en 2022 de posséder une adresse en ligne pour recevoir les mêmes courriers, mais dématérialisés. Car la course à la digitalisation est lancée. Le papier se raréfie et ceux qui n’ont pas pris le train du numérique à temps peuvent se retrouver sur le quai. Les populations dites éloignées du numérique sont souvent précaires, et leur méconnaissance des usages actuels, si elle ne tend pas à les précariser toujours plus, rend difficile toute amélioration de leur situation. Sans adresse mail, peu d’accès aux droits. C’est là qu’intervient ALADDIN – À La Découverte d’Internet et du Numérique.

Porté par Bordeaux Métropole et la Préfecture, ce projet s’inscrit dans le cadre du plan national de lutte contre la pauvreté. Il s’est fixé comme objectif de former à la messagerie électronique les publics en situation de pauvreté qui en sont dépourvus. Comment créer son adresse, la consulter, la faire fonctionner, la communiquer aux autres… Les bases du mail pour que chaque bénéficiaire puisse, après les ateliers ALADDIN, échanger avec des structures ou des proches en toute autonomie, pour ne pas rompre de liens et faire valoir ses droits.

Les ateliers seront assurés par des médiateurs numériques dont les structures ont souhaité être membres du réseau estampillé ALADDIN.

Pour Camille De Amorin Bonneau, formatrice Experteez en charge de la formation des futurs acteurs ALADDIN, « ce dispositif permede donner un tronc commun aux médiateurs, un syllabus réutilisable par tous. L’enjeu majeur reste de couvrir l’ensemble du public. Quand il y a ce besoin, on a quelqu’un de spécialisé ALADDIN vers qui on peut orienter le public concerné. Cela doit permettre une meilleure couverture grâce à une meilleure orientation tant dans les besoins que géographiquement. »

Pour elle, les médiateurs doivent être doté d’une grande qualité d’écoute et d’adaptation, couplées à un sincère enthousiasme. « Ces qualités sont premières et essentielles mais je crois qu’il faut aussi de la curiosité. Car même si vous n’êtes pas bon technicien, la curiosité vous permettra de trouver les réponses et les ressources dont vous avez besoin pour telle ou telle question du bénéficiaire. La technique vient en dernier selon moi. »

Car s’attaquer à la problématique du mail n’est pas aussi simple qu’il y paraît. C’est toute la question de l’identité numérique, du rgpd ou encore de l’accès aux droits qui se jouent.

« La boîte mail est une adresse, une identité. C’est plus qu’un outil pour se logger et les publics doivent en avoir conscience. Notre rôle est avant tout que cette adresse mail créée soit facilitante pour la personne. Si elle en possède déjà une mais qu’il s’agit de choupette63@free.fr, elle ne le sera pas… Le mail constitue un outil de départ qui permet de poser les bonnes pratiques de bases, pour peut-être aller plus loin » précise Camille De Amorin Bonneau.

Pas de contraintes de temps imposées aux médiateurs du réseau ALADDIN (même si le parcours complet est conseillé sur 8 heures maximum), chacun adapte la méthode et le tronc commun à son public et au fonctionnement de sa structure.

« Il existe une grande diversité de profils de bénéficiaires en situation de précarité. Certains vont évoluer plus vite que d’autres, certains viendront pour leurs droits CAF quand d’autres auront besoin d’un mail pour régler des questions de santé… Chaque structure est libre d’articuler les contenus ALADDIN en fonction des besoins. »

Le concept du réseau et des ateliers ALADDIN peut-il se décliner dans le futur sur d’autres acquis numériques de base archi ciblés ? « Les structures vont pouvoir se demander : maintenant qu’on est un réseau, est-ce qu’on se répartit les tâches avec les spécialités et compétences de chacun ? Mais ça, ça leur appartient ! » conclut l’intervenante. À suivre.