Une nouvelle décennie vient de s’ouvrir et avec elle, la certitude de la nécessité à réduire la fracture numérique à peau de chagrin. Mais comment apprendre lorsqu’on est seul ? Et quand bien même nous serions agiles avec le digital, comment le prouver à de futurs employeurs, si rien ne l’indique sur notre CV ? En suivant le programme PIX par exemple, qui permet de s’instruire et de se certifier sur les savoirs numériques.
PIX est une plateforme sur laquelle l’utilisateur désireux de tester ou de certifier son niveau se créé un compte. De là, PIX lui propose 16 compétences numériques à évaluer, selon son propre rythme. Le programme pédagogique est dense, ainsi, se tester sur la totalité des modules peut prendre des semaines. Tout dépend de l’utilisateur et du temps dont il dispose. Toutes les thématiques et techniques gravitant autour du numérique sont abordées et traitées ; on parle d’écologie, de cybersécurité, on mène des recherches, fait des mises en pages, on se sert de l’open data, bref, PIX nous teste vraiment et ne ménage personne. À chaque module passé, la plateforme nous indique notre niveau (de 1 à 6). Une fois les 16 compétences testées, PIX nous note avec sa grille de niveaux. Si vous êtes niveau 4 et voulez transformer ce test en diplôme officiel, il vous suffit de vous inscrire à une session de certification. Maintenant, vous pouvez rajouter une ligne à votre CV. Pour nous parler du projet plus en détail et pour connaître les secrets de fabrication de ce test pléthorique, nous avons questionné l’homme à l’origine du projet et Directeur de PIX : Benjamin Marteau.
Comment avez-vous procédé pour fabriquer les 16 compétences à tester et les centaines de questions qui les composent ?
B.M : Nous ne sommes pas partis de rien. On s’est basé sur le référentiel européen Digcomp car notre approche était trop franco-française. La première ligne de code est rédigée en juin 2016 et en novembre, le premier bouton qui est crée sur la plateforme sert à critiquer ! Nous avons travaillé avec tous les secteurs : enseignement, entreprises, associations…et aussi avec la Mairie de Paris qui nous a aidé à identifier notre faiblesse sur le volet culture des données par exemple. C’est une des grandes forces de PIX, la multitude d’utilisateurs. On compte aujourd’hui 3 250 000 comptes crées. On a une équipe dédiée au programme car nous travaillons sur des données qui évoluent en continu. Il nous faut donc une grande capacité à ajouter ou supprimer des contenus (PIX en propose 650).
À quoi sert PIX ? Le test a-t-il la même fonction pour les collégiens que pour les lycéens ou encore les demandeurs d’emploi ?
B.M : On veut permettre d’identifier les enjeux du numérique, selon la définition qu’en donne Bernard Stiegler qui le qualifie de « biface », c’est-à-dire qu’il a un côté remède et un aspect poison. Il faut connaître les deux faces du sujet. La mission de PIX est de fonder des apprentissages en utilisant un référentiel assez large, pour permettre un équilibre entre les différents publics visés. Nous avons fait le constat suivant : les compétences numériques tiennent une importance majeure dans la vie de famille, dans la société, au travail… Tout cela bouge vite et on manque de repères. Pix veut cultiver et valoriser ces compétences dans leur aspect transverse et aborder ainsi la dimension outil, la dimension sécurité, le volet communication, etc etc. Notre équipe réunit des profils variés. On a des enseignants, des designers, des développeurs, ceux qui fabriquent les épreuves, des accompagnants auprès des structures. C’est un mélange des cultures et de manières de faire très enrichissant.
On sait que le fracture numérique n’est pas due au seul manque d’accès à Internet mais avant tout au manque d’accès aux compétences numériques. La mission de PIX est de faire que tout un chacun puisse cultiver, tout au long de sa vie, ces multiples compétences. Être un élément de la chaîne qui veut réduire cette fracture grâce à l’existence de la plateforme, la profusion de contenus et de tutos et l’équipe mise à disposition des utilisateurs car beaucoup d’usages sont accompagnés.
Il existe déjà trois diplômes de compétences numériques : le C2i, Certificat Informatique et Internet que passaient les étudiant de l’enseignement supérieur, le B2i, Brevet Informatique et Internet que passaient les collégiens et lycéens, et le PIM, Passeport Internet et Multimédia à l’usage du grand public. PIX va-t-il tous les remplacer ?
B.M : Oui, on prend la suite de tout ça, en faisant l’analyse de ce qui avait bien ou moins bien marché. Aujourd’hui, l’idée selon laquelle on doit tous mettre l’accent sur les compétences numériques ne fait plus débat, mais ça a été un combat pour faire comprendre et accepter le nécessité du B2i. Il existait plusieurs niveaux de B2i et de C2i, c’est aussi le cas pour PIX. Nous souhaitons valoriser tous les profils de compétences, c’est pour ça que PIX est graduel, sa logique est adaptative. Le programme Pix est fait pour être grappillé, il est conçu pour permettre à l’utilisateur d’apprendre tout au long de sa vie.
La certification est payante, surprenant de la part d’un service public. Comment l’expliquez-vous ?
B.M : Il y a 1,8 millions de certifiés et la très grande majorité d’entre eux n’a pas payé. Les scolaires ne paient pas, et le plus souvent, ce sont les prescripteurs comme Pôle Emploi ou les collectivités qui paient pour la personne certifiée. Cela coûte 45 euros (10 euros reviennent à PIX). Pour passer la certification du niveau qui vous avez atteint via la plateforme, vous devez aller dans un centre dédié. Là, on vous reposera les mêmes questions, pour vérifier qu’il s’agit bien de votre niveau, le tout de manière surveillée. Mais sachez qu’on fait notre maximum pour que le service soit gratuit le plus possible, pour le plus de monde possible.
En passant un module consacré à l’adaptation de documents à différents formats et consignes, j’ai constaté que les tutos expliquaient comment faire sur le logiciel Word. Problème, je l’ai passé avec Open Office, les tutos ne m’ont donc pas aidée. Est-ce un choix parce que la plupart des établissements scolaires sont équipés par Microsoft et que cela facilite l’apprentissage des élèves ?
B.M : Absolument pas. De plus, de nombreux établissements scolaires ne fonctionnent pas avec Microsoft donc ça n’a rien à voir. On tient beaucoup à la notion de neutralité du service public, c’est fondamental. C’est pourquoi, vous l’aurez remarqué, les utilisateurs de PIX doivent tout le temps télécharger les documents pour effectuer les exercices, ça permet d’éviter le recours aux captures d’écran qui figerait les questions et réponses sur un seul environnement numérique. Là, chacun peut travailler sur son propre environnement, c’est plus réaliste et plus neutre. Même dans les formats de téléchargement, vous avez toujours le choix entre du .odt, du .doc, ou d’autres formats. Mais c’est la communauté d’utilisateurs actifs qui recommande les tutos de PIX (notre équipe les valide après), donc il se peut qu’à certains endroits, la solution Office domine mais c’est très rare. On est très vigilants sur le sujet.
Propos recueillis par Nathalie Troquereau