Paroles de Promeneurs du net

Les Promeneurs du net est un dispositif initié en Suède il y a dix ans. Comprenant la nécessité d’une présence éducative sur Internet, la CAF soutient son déploiement en France depuis 2012. Ces promeneurs sont avant tout des éducateurs, travailleurs sociaux, animateurs en foyers, bref, des professionnels en lien quotidien avec des jeunes, souvent en difficulté. Ils poursuivent leur action de terrain sur la Toile, en proposant débats, écoute, conseil. C’est cette “rue numérique” représentée notamment par les réseaux sociaux, qu’il convient de baliser, d’encadrer, d’investir d’une présence adulte bienveillante. Implanté désormais dans 92 départements*, Médias-Cité accompagne et forme les Promeneurs girondins. Nous avons récolté les témoignages de certains d’entre eux.

Paul et Safia ont 25 et 23 ans. Ils sont animateurs socio-culturels et médiateurs jeunesse au centre social La Cabane à Projets, à Créon.

“Les jeunes qu’on accompagne ont entre 11 et 30 ans. Ils ont besoin d’accompagnement pour plein de raisons. Ça peut être pour des démarches administratives ou parce qu’ils sont en rupture familiale, on essaie alors de résoudre les conflits familiaux et renouer la communication. Notre spécificité, c’est qu’on les rencontre dans la rue. C’est là qu’on travaille, qu’on crée des relations” explique Paul en introduction.

Safia développe :

“Le fait d’être Promeneur du Net, ça nous permet de poursuivre l’accompagnement qu’on fait déjà. C’est un moyen de continuer d’échanger, notamment avec les jeunes qu’on ne recroisera pas. Ça maintient la relation.

On est essentiellement sur Insta et Snap. Facebook sert plus aux Promeneurs et aux parents qu’aux jeunes. Notre outil premier, c’est nos flyers. On leur donne à la fin d’une rencontre et il y a nos contacts au dos. Ce sont eux qui nous ajoutent en amis, jamais l’inverse.

Je me souviens d’une fois où nous sommes intervenus dans un collège pour faire de la prévention sur les addictions et autres. Suite à ça, un des jeunes m’a recontactée via Snapchat pour me parler de ses orientations sexuelles. »

Pour Bianca, médiatrice sociale à Bordeaux Métropole Médiation – Bacalan, même constat. Être Promeneur s’inscrit dans la continuité de son travail.

“Sur les réseaux, les jeunes que je suis ont entre 11 et 16 ans. Insta est leur réseau préféré, mais on est aussi sur Snap et Facebook. La plupart du temps, ils me demandent des informations du type « Y a quoi pendant les vacances ? » ou me racontent leur journée au collège. Ce sont des jeunes que je connais donc le lien de confiance est déjà établi. Ils nous ont ajouté eux-mêmes sur leurs réseaux car l’initiative doit toujours venir d’eux.

Être Promeneurs, ça nous permet tout simplement de poursuivre nos missions de terrain sur du numérique. Par exemple, on a une mission qui s’appelle PAP, Présence Active de Proximité, j’estime qu’on fait de la PAP numérique.

Les réseaux et le net étaient le dernier entre soi pour les jeunes, mais notre présence leur plaît parce qu’elle n’est pas institutionnelle.

Je fais parfois des story Insta où je leur pose des questions. La dernière fois, j’ai demandé s’ils savaient reconnaître une fake news ; un m’a répondu oui tous les autres non. Ça veut dire qu’on va faire de la prévention et éclairages sur les fake news.” 

Édouard, médiateur social à Bordeaux Métropole Médiation- Bègles, estime le dispositif efficace et complémentaire de son action. Échanger sur les réseaux permet de décrypter autrement les jeunes.

“Les jeunes d’ici varient entre 19 et 25 ans. Ils nous sollicitent surtout pour s’informer sur les formations et pour les demandes d’emploi. De notre côté, on créé des débats autour de sujets comme la consommation des écrans ou le danger des drogues. Sur Insta, les jeunes que nous accompagnons ont entre 14 et 16 ans. Être Promeneurs prolonge nos actions par le biais des réseaux. Ça nous permet d’être là où ils sont tous et leur donner une fenêtre supplémentaire pour pouvoir nous contacter.

Ce sont environ 80 jeunes qui nous ont ajouté sur leurs réseaux, ça marche très bien. On a des débats sur la sexualité, sur des événements d’actualités… L’idée c’est de les faire réfléchir sans jamais donner les réponses. La dernière fois, je leur ai demandé quel était leur réseau préféré, tous ont répondu Insta, mais ils l’ont fait sur Facebook ! Ils ringardisent toujours Facebook, ils ont presque honte de dire qu’ils sont dessus parce que c’est un truc de vieux, mais en fait, ils y vont! Tous les adultes pensent que les jeunes ont déserté Facebook mais c’est faux. Ce genre d’échange permet de le comprendre.”

Propos récoltés par Nathalie Troquereau

*chiffre issu de l’étude menée en 2018 par la CAF

Accéder au site dédié aux Promeneurs du Net ici

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